lundi 19 septembre 2011

Les condés des Lumières - Part 1: Police and Thieves

J’ouvre ce premier article sur le traitement cinématographique* des pandores au XVIIIe par un titre en hommage à Junior Murvin, le Farinelli du reggae**. Quoi de mieux en effet qu’un morceau critiquant la violence des criminels et des forces de l’ordre pour évoquer City of Vice, une mini-série anglaise riche en pistolets, perruques poudrées, petites pépées et policiers.



Dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie
Ces 5 épisodes narrent la manière dont les magistrats Henry et John Fielding (le premier auteur de Tom Jones) crééent les Bow Street Runners, une proto police londonnienne en 1749. Sans doute pour ne pas trop perdre un chaland habitué au format des séries américaines contemporaines, on tente ici aussi de résoudre une affaire par épisode, avec enquête, poursuite, interrogatoire et résolution avant le générique. Mais le propos va plus loin. L’opposition -parfois musclée- à l’initiative des Fielding ne vient pas seulement des malfaiteurs (maquereaux pédophiles, gangs de braqueurs tortionnaires etc) mais aussi d’éminents membres de la chambre des Lords, qui hurlent au gaspillage d’argent public et à l’atteinte aux libertés individuelles. Et ce côté “on essuie les plâtres” est une des grandes forces de la série. Les Bow Street Runners n’arrivent pas en terrain conquis, s’interrogent sur la meilleure d’aborder une scène de crime, peinent à obtenir des informations... et donc vont parfois jusqu’à la torture. Certains y verront un attachement à la réalité historique, d’autres une opération séduction envers un jeune public plus élevé à 24 ou The Shield qu’à Navarro. Une chose est sûre: dans City of Vice, pas de chevaliers blancs mais de nombreuses nuances de gris sale.

Channel 4 n’a pas d'argent, mais elle a des idées
La série n’est pas exempte de défauts, le principal étant un budget manifestement limité. Mais là où la production française des aventures de Nicolas Le Floch (on en reparlera) tente à tout prix de “faire riche”, City of Vice compense son manque de moyens en redoublant de créativité. Impossible de se payer des plans larges en image de synthèse détaillant le Londres du XVIIIe? Soit, la caméra se déplace donc sur un plan historique de la ville, en noir et blanc, qui passe en 3D quand on plonge au niveau de la rue. Le plan-relief numérique, il fallait y penser! Pas d’argent pour louer ou reconstituer un salon d’époque? Soit, les intérieurs seront peu éclairés et filmés en plan rapproché, accentuant le côté sombre et étouffant des scènes de violence.
Tout n’est pas que noirceur, l’humour est présent et les acteurs ont parfois tendance à cabotiner, comme Ian Mc Darmid (le sénateur Palpatine pour les fans de Star Wars) en chef vieillissant, sûr de son bon droit et légèrement porté sur la bouteille. Le traitement des personnages secondaires est un peu léger et tous les membres de l'équipe auraient bénéficié de plus de développement dans des épisodes supplémentaires, afin de ne pas les limiter à leur roles de -très efficaces- “gueules” ou de clichés.

Je ne sais pas si l’audience a été au rendez-vous en 2008, et City of Vice n’est plus édité, mais ce DVD en VO non sous-titrée est toujours disponible en import sur Amazon. Si comme moi vous aimez les histoires de flics en tricornes qui ne lorgnent pas du côté de Fanfan la Tulipe, cédez à la tentation.



* oui plutôt télévisuel, mais je n’allais pas me priver d’une référence de plus dans le titre
** oui, c’était du falsetto, pas un castrat. Et oui, vous connaissez sans doute une version des Clash. Qui n’est pas mauvaise d’ailleurs, mais bon, un peu de licence bloggesque, que diable!